Ce chemin que l'on fait chaque jour

Publié le par Ninie et Mister Poil

En rentrant du boulot l’autre soir, et en me faisant quelques réflexions sur le chemin, je me suis rendue compte que je m’étais approprié cette route. Et oui, depuis 2 ans et demi que je prends cette route, c’est un peu la mienne, que je partage bien sur, mais à force, je me suis approprié chaque maison, chaque champs, chaque arbre.

 

Et finalement, ce chemin fait partie de mon quotidien de boulot. Et chaque matin, chaque soir, ce chemin familier me rassure, j’ai cette impression de connaitre chaque virage à la perfection, l’impression que la voiture elle-même connait cette route seule, et que je pourrais me laisser guider, les yeux fermer, sans ne rien craindre.

 

Et puis je sais ce qu’il se passe de près, chaque jour ou presque, comme si je reprenais le feuilleton à l’épisode précédent. Je regarde, observe, m’interroge et puis j’imagine. J’imagine qui peut vivre dans cette magnifique maison, j’imagine pourquoi celle-ci est en vente, j’imagine la vie de cette maman que je croise chaque matin, elle avec sa poussette et ses 2 grands qu’elle emmène à l’école, moi qui trace mon chemin pour aller travailler, laissant mon petit à la nounou.

 

Tiens, cette maison est en vente ??? Qu’elle est belle !! J’aimerai tellement voir l’intérieur. Voilà un an qu’elle est en vente, les volets fermés. Tiens, voilà les volets ouverts, une voiture garée devant. Ha, un panneau d’agence immobilière arpente le devant de la maison, ne laissant pas le conducteur passer devant sans regarder l’affiche « A VENDRE ». Alors la curiosité m’a poussé à regarder sur le site de l’agence, pour compléter ma vision des choses et espérer voir des photos de l’intérieur. Car finalement, cette maison, comme tout ce qui se trouve sur mon chemin, je me la suis appropriée, mais je n’ai qu’une petite partie visible, mon appropriation n’est que partielle, juste un peu, ce que la route veut bien m’offrir. Alors je m’offre le reste, et voit quelques photos pour compléter mon feuilleton.

 

Et puis il y a ce monsieur, qui est là, chaque matin, à l’angle d’une rue, à la même heure, et qui attend. J’imagine ce travailleur faisant du covoiturage, attendant son collègue. Je ne le connais pas, mais je sais qu’il est là, chaque matin, à la même heure, sac à dos à l’épaule. Je dois aussi faire partie de son « trajet », où chaque matin je passe devant lui pour aller bosser.

 

Il y a le bus scolaire, que je croise seulement quand je prends très tôt, ces enfants qui attendent à l’arrêt de bus qu’on les emmène à l’école pour une nouvelle journée d’apprentissage.

 

Il y a cette dame, qui il y a un an ne s’habillait qu’en noir et long, pour se cacher de ses quelques kilos en plus que la moyenne (où elle la moyenne d’ailleurs ???). Elle emmène ses enfants à l’arrêt de bus, et envoi comme chaque maman des millions de coucous et de bisous une fois que le bus démarre. Cette dame qui me faisait dire que la société ne lui permettait pas de s’assumer car pas tout à fait dans les normes, donc cherchait à surtout ne pas se faire remarquer. Et au fil de l’hiver, je la revois avec quelques kilos en moins. Ce n’est pas ça qui m’a surpris le plus, c’est le changement que cela faisait sur elle : vêtement de couleur, cheveux bien plus coiffés, attachés, une envie de prendre soin d’elle. Ces quelques kilos en moins lui ont permis de se montrer davantage, de se sentir exister davantage au vue de cette société.

 

Et puis il y a les moments plus exceptionnels, comme le jour où l’hélicoptère du SAMU était posé dans un champ, non loin d’une maison, assisté des pompiers. Ce jour où j’ai ressenti un sentiment de compassion, en espérant que ça ne soit pas trop grave pour cette personne, que je ne connais pas.

 

Je vois les maisons se vendre, les gens changer de voiture, s’occuper de leur jardin, acheter plus de déco de noël d’une année sur l’autre, ou refaire la même déco, au moindre détail près. Je vois la nature offrir des couleurs différentes d’une saison à une autre. Je vois ces gens qui sont fiers de décorer leur jardin, rendre l’extérieur aussi beau que leur intérieur (et quand je parle de leur intérieur, ce n’est pas seulement celui de leur maison).

 

Alors pendant 20 minutes, je m’imagine la vie des autres, même si je sais que ma vision est certainement fausse, que je ne me base que sur ce que je vois, n’ayant pas assez d’éléments pour avoir la vérité. Mais ce n’est pas grave, j’aime ce trajet, qui m’offre des petits bouts de vie, qui me donne l’impression de partager mon chemin avec eux, tous ces gens qui vivent là, que je ne connais pas, mais qui me donne à leur insu des petites parties de vie, qui me donne le sourire, car rien de plus sympa que de partager nos vies.

 

Chaque jour, en voyant ça, c’est encore un moment où je me rends compte à quel point nous sommes des êtres sociables, qui avons besoin de se sentir exister et vivant dans une société. J’aime ces vies que je vois évoluer au fil du temps, avec cette belle impression que ce que nous faisons, c’est bien sûr pour le partager avec les autres, consciemment ou non, sinon, pourquoi le ferions-nous ?

 

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Publié dans Pensées

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